Sangsues, Hirudinées, Achètes
Hirudinea, les sangsues, hirudinées ou achètes, sont une sous-classe de l'embranchement des annélides. Elle regroupe environ 650 espèces hermaphrodites de vers annelés de 1 à 20 cm de longueur. Hormis quelques espèces vivant en estuaire ou eaux marines, elles vivent en eau douce. De nombreuses espèces déposent leurs cocons dans de la terre humide et certaines ont un cycle de vie plus terrestre[1], en étant par exemple capables de grimper aux arbres.
Environ 300 espèces sont des parasites temporaires d'animaux marins, terrestres ou d'eau douce, hématophages, se nourrissant de sang de vertébrés et/ou d'hémolymphe d'invertébrés[2]. Une centaine d'espèces sont marines et environ 90 terrestres[3].
Quelques espèces font l'objet d'un usage médicinal depuis plus de 2 000 ans, mais la diversité et répartition des sangsues est encore mal connue dans de nombreux pays, y compris pour les eaux douces. Ainsi en 2009 elles n'avaient pas encore fait l'objet « d'une étude d'ensemble sur la systématique et la répartition géographique des espèces en France et seules quelques clés dichotomiques de détermination, toutes incomplètes quant au nombre des taxons cités et ne tenant pas compte de la variabilité intraspécifique (différences de coloration, fusion de paires d'yeux, etc.), permettent d'identifier avec certitude les espèces les plus caractéristiques ». Une clé de détermination des Hirudinées françaises a été mise à jour et publiée en 2009 par la Société zoologique de France, et un inventaire national a été lancé en 2015 sous l'égide du Muséum et de l'INPN[4].
Quelque 700 espèces de sangsues ont été décrites, dont une centaine sont marines, 90 terrestres et le reste d'eau douce[5],[6]. La plus petite mesure environ 1 cm de long, tandis que la plus grande, la sangsue géante d'Amazonie Haementeria ghilianii, peut atteindre 30 cm. Les sangsues sont présentes dans le monde entier, à l'exception de l'Antarctique, mais apparaissent à leur maximum dans les lacs et étangs tempérés de l'hémisphère nord. Les Haemadipsidae terrestres sont pour la plupart originaires des régions tropicales et subtropicales, tandis que les Hirudinidae aquatiques ont une aire de répartition mondiale plus large ; les deux se nourrissant en grande partie de mammifères, dont d'humains[7]. À leur tour, les sangsues sont la proie des poissons, des oiseaux et des invertébrés[8].
Le nom de la sous-classe des Hirudinea vient du latin hirudo (génitif hirudinis), signifiant "sangsue"[9]. Les sangsues étaient traditionnellement divisées en deux infraclasses, les Acanthobdellidea et les Euhirudinea. Ces dernières qui ont des ventouses antérieures et postérieures, étaient traditionnellement divisés en deux groupes : les Rhynchobdellida et Arhynchobdellida[10].
Selon World Register of Marine Species (29 octobre 2015)[11] :
L'arbre phylogénétique des sangsues et de leurs parents annélides est basé sur l'analyse moléculaire (2019) des séquences d'ADN. Les anciennes classes " Polychaeta " (vers marins hérissés) et " Oligochaeta " (comprenant les vers de terre) sont paraphylétiques : dans chaque cas, les groupes complets (clades) incluraient tous les autres groupes indiqués ci-dessous dans l'arbre. Les Branchiobdellida sont sœurs du clade des sangsues[12].
Annelida"Polychaeta" (exc. "Oligochaeta")
"Oligochaeta" (exc. Lumbriculidae)
Lumbriculidae (blackworms)
Dans cet ordre, on ne trouve qu'une seule espèce : Acanthobdella peledina. Cette sangsue est parasite de poissons salmonidés (truites, saumons) du lac Baïkal. Cette espèce possède des caractères communs avec les oligochètes, comme la présence de soies sur le corps et l’absence de ventouse antérieure.
Cet ordre regroupe des sangsues aquatiques ou terrestres présentant trois mâchoires dentées au niveau du pharynx. On y retrouve notamment la sangsue officinale Hirudo officinalis.
Ces individus sont d'eau douce ou terrestres de milieux humides. Ils sont presque tous prédateurs. Leur pharynx est long, sans mâchoire.
Le groupe d'annélides le plus ancien est celui des polychètes libres qui a évolué au Cambrien, abondant dans les schistes de Burgess il y a environ 500 millions d'années. Les oligochètes ont évolué à partir des polychètes et les sangsues se sont ramifiées à partir des oligochètes. Les oligochètes et les sangsues ne se fossilisent pas bien du fait q'uil sont dépourvus de parties dures[17]. Les premiers fossiles de sangsue connus datent de la période du jurassique, soit il y a environ 150 millions d'années, mais un fossile avec des anneaux externes, trouvé dans les années 1980 dans le Wisconsin, avec ce qui semble être une grosse ventouse, pourrait étendre l'histoire évolutive du groupe jusqu'au Silurien, il y a environ 437 millions d'années[18],[19].
Parmi les espèces remarquables de sangsue, on peut citer :
Macrobdella decora (Hirudinidae), une sangsue d'eau douce
Sangsue verruqueuse Pontobdella muricata, une sangsue d'eau de mer (Piscicolidae)
Sangsue médicinale Hirudo medicinalis (Hirudinidae)
Hirudo medicinalis (Hirudinidae), une sangsue médicinale d'Europe
Hirudo verbana (Hirudinidae), une sangsue médicinale de Méditerranée
Grande sangsue de l'Inde ou sangsue nasale Dinobdella ferox (Hirudinidae)
Haemadipsa zeylanica (Hirudinidae), une sangsue terrestre trouvée dans les montagnes du Japon
Placobdelloides siamensis, un parasite des tortues en Thaïlande
Dessin d'Acanthobdella sp. (Acanthobdellidea)
La majorité des sangsues d'eau douce vivent dans les zones peu profondes et végétalisées au bord des étangs et des lacs, ou dans les marais et les eaux stagnantes des ruisseaux lents. Très peu d'espèces tolèrent une eau à courant rapide. Dans leurs habitats préférés, elles peuvent se reproduire jusqu'à des densités très élevées, avec plus de 10 000 individus par mètre carré enregistrés sous des pierres plates en Illinois. Certaines espèces entrent dans une période d'activité ralentie durant la saison sèche et peuvent alors perdre jusqu'à 90% de leur poids corporel[7].
Plus de la moitié des espèces sont hématophages, c'est-à-dire qu'elles se nourrissent de sang (hémato signifie « sang » et phage signifie « manger »), mais les autres espèces de sangsues sont des prédateurs carnivores d'autres invertébrés, ou consomment simplement les tissus mous de leurs proies ou d'autres aliments. Pour boire le sang, la sangsue s'accroche sur sa proie en suçant sa peau. Elle fait une petite morsure et y injecte sa salive. Sa salive a la fonctionnalité d'empêcher le sang de coaguler, ce qui lui permet de boire le sang pendant un bon moment[22].
Une puissance morsure capable de transpercer un ongle ... parc national de Khao Yai, Thaïlande
Pendant le repas, collée sur la peau et suçant le sang, parc national de Taman Negara, Malaisie péninsulaire
Après le repas, gorgée de sang, parc national de Taman Negara, Malaisie péninsulaire
Ainsi sur 73 espèces de sangsues connues en Amérique du Nord, la plupart se nourrissent de chironomidés, oligochètes, amphipodes et mollusques. Leurs larves sont supposées toutes se nourrir de zooplancton, certaines de manière spécialisée (ex : Motobdella montezuma s'est spécialisée dans le parasitage d'amphipodes planctoniques qu'elle détecte par des capteurs mécanoperceptifs)[23].
Les autres espèces sont ectoparasites temporaires et se nourrissent d'un repas de sang prélevé sur des poissons, tortues, amphibiens, crocodiliens, oiseaux d'eau, mammifère (dont humains à l'occasion)[23]. La plupart de ces espèces prédatrices grandissent en 2 ou 3 étapes, chacune conditionnée à un repas de sang, et elles ne se reproduiront qu'une fois avant de mourir[23]. Mais au moins deux espèces nord-américaines se sont montrées capables de se reproduire plusieurs fois in vitro bien que présentant dans la nature un phénotype ne se reproduisant qu'une fois avant de mourir[23].
Certaines espèces sont « spécialistes », c'est-à-dire qu'elle ne parasitent qu'une seule espèce-proie (tortue d'eau, oiseau aquatique, poisson), alors que d'autres sont « opportunistes » (parasitant ou mangeant des vers, escargots aquatiques, poissons, mammifères, etc.). Ainsi la sangsue d'Asie du Sud-Est placebelloides siamensis est spécialisée et parasite les tortues d'eau emyde noire des marais, tortue boîte de Malaisie et tortue des temples à tête jaune, les tortues mangeuses d'escargots de Khorat malayemys khoratensis, de Malaisie péninsulaire malayemys macrocephala et du Mékong malayemys subtrijuga, la tortue cyclemys oldhamii et la tortue asiatique géante des marais.
Comme les oligochètes tels que les vers de terre, les sangsues ont un clitellum, sont hermaphrodites, respirent par la peau et n'ont pas de cerveau centralisé, mais leur corps est plus dense (plus de tissu conjonctif) tout en étant plus élastique dans les 3 dimensions. Il n'a pas de poils externes, il se termine par une ou deux ventouses (des organes de succion) qui l'aident dans ses déplacements, et leur segmentation externe ne reflète pas la segmentation interne de leurs organes.
Elles possèdent deux cœurs.
Beaucoup d'espèces se montrent très plastiques et capables de s'adapter à des modifications significatives de leur environnement (certaines espèces survivent ainsi jusqu'à 60 jours en situation d'anoxie[23]) et comptent parmi les derniers organismes à survivre dans des cours d'eau très pollués (avec les tubifex, certains chironomes et quelques communautés dominées par des bactéries), tout en supportant l'extrême inverse (c'est-à-dire une eau sursaturée en oxygène)[23]. Elles sont considérés comme des marqueurs biologiques et bioindicateurs d'une mauvaise qualité de l'eau[24].
Beaucoup d'espèces supportent aussi une période d'exondation à condition que leur environnement soit néanmoins assez humide.
Le corps d'une sangsue au repos est aplati dorso-ventralement, de forme ovale ou allongée selon son niveau de contraction.
Il est très élastique et très flexible (ce qui en fait un modèle intéressant pour la biomimétique). Les seuls organes habituellement visibles de l'extérieur sont la ventouse antérieure, contenant l'ouverture de la bouche, et parfois la ventouse postérieure, servant à la fixation (certaines espèces sont pourvues d'une ventouse à chaque extrémité du corps).
Les sangsues sont hermaphrodites, c'est-à-dire qu'elles sont à la fois mâles et à la fois femelles[22]. Les sangsues ne peuvent néanmoins pas s'autoféconder.
Leurs organes sexuels externes sont tous deux situés sur la ligne médiane de l'abdomen, à peu de distance de la tête. L'organe mâle est positionné le plus en avant. La zone des segments portant ces organes est dite « ceinture ».
Le pénis quand il fait saillie a la forme d'un fil de couleur claire (8 mm environ chez la sangsue médicinale), qui émerge du corps en traversant un fourreau[25]. Il est relié via un cordon spermatique à de nombreux testicules (dix-huit, neuf de chaque côté chez la sangsue médicinale). Selon Ebrard, l'immersion de l'annélide dans du vinaigre ou de l'eau chaude fait apparaitre le pénis et fait légèrement gonfler le contour de l'orifice vaginal, sinon ce dernier est inapparent (hormis lors des premier moments suivant l'accouplement ou la pose d'un cocon)[25].
Plusieurs auteurs ont déduit de leurs observation que lors d'un accouplement de sangsues médicinales, un seul individu est fécondé, qui ensuite déposera seul un cocon (on n'a pas observé de cocons déposés sans un intervalle d'au moins 24 h selon E. Ebrard[25] qui ajoute qu'un cocon peut être déposé par un individu isolé jusqu'à dix mois après sa fécondation).
La plupart des espèces secrète un cocon protecteur en même temps que les œufs. Ce cocon est fixé à une surface dure[26].
Quelques espèces de sangsues fixent leurs œufs (gros et à vitellus abondant), directement sur leur face ventrale et protègent les embryons et les larves avec leur corps. D'autres encore forment des cocons qu’elles transportent et protègent de leur corps jusqu’à l’éclosion puis les jeunes restent fixés plusieurs semaines sous le corps du parent jusqu’à ce qu’ils soient autonomes.
L'ocytocine et/ou une substance apparentée trouvées chez plusieurs espèces de sangsues[27] semblent jouer un rôle dans le cycle de la reproduction de ces espèces[28].
Les sangsues sont localement très communes et nombreuses en zones tropicales, plus rarement en zone tempérée.
On signale parfois des densités inhabituelles de sangsues, comme dans le lac des Dagueys à Libourne en 2010 (lac où était prévu avant 2012 un pôle nautique devant accueillir des compétitions nationales et internationales d'aviron, qui a été interdit à la baignade en 2010 à la suite d'une pullulation d'une petite sangsue de l'espèce Helobdella stagnalis, espèce qui a aussi été signalée pullulant dans le lac de Tibériade en Israël[29]).
Elles étaient collectées ou cultivées autrefois pour effectuer des saignées, mais sont également utilisées aujourd'hui pour drainer le sang de régions du corps où le retour sanguin s'effectue mal.
Des sangsues ont été utilisées pour prévoir le temps, via notamment un baromètre à sangsues, sans succès durable.
Les sangsues sont attirées par le mouvement, la chaleur et le dioxyde de carbone émis par leurs proies[30].
Les sangsues d'intérêt médicinal sont protégées dans de nombreux pays à cause de leur diminution, liée à la destruction de leur habitat et à la pollution.
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, plus de cinquante millions de sangsues médicinales peuplaient les mares et les étangs français. Pour les récolter, les gens entraient dans les marais avec des cuissardes et un bâton. Ils frappaient l'eau violemment, ce qui attire les sangsues qui s'accrochaient aux jambières ou nageaient à la surface[31]. Un autre moyen était de faire descendre des animaux (ânes par exemple) dans l'eau et de récolter sur eux les sangsues qu'ils attiraient.
Aujourd'hui, il en existe très peu en France à l'état sauvage (notamment dans le massif central, en Lozère et la région d'Île-de-France à Brunoy). L'assèchement des marais a fait énormément de tort à l'espèce. La pollution — engrais, pesticides et herbicides — a fini de l'achever.
Quatre entreprises dans le monde (Russie, France, Allemagne et Pays de Galles) font encore l'élevage de quelques espèces à des fins médicinales ; c'est l'hirudiniculture.
Une nouvelle espèce (transcaucasienne) en a été décrite en 2005, qui correspond à ce qu'on avait jusqu'ici considéré comme une variété orientalis de la sangsue médicinale[32].
Parmi les 650 espèces de sangsues existantes, la sangsue médicinale (Hirudo medicinalis) est une véritable alliée pour la santé humaine. Les propriétés anticoagulantes, anti-inflammatoires, vasodilatatrices et anesthésiques de sa salive sont utilisées dans différents domaines de la médecine dont récemment pour soigner des problèmes d'arthrose et ostéo-arthritiques[33],[34],[35],[36].
Il arrive parfois que les sangsues (en particulier les Dinobdella ferox) s'introduisent dans les orifices naturels comme la bouche, le nez, l'oreille, le vagin ou le pénis. Cette situation (l'hirudiniase) peut s'avérer très dangereuse car la sangsue obstrue progressivement les voies respiratoires en se gonflant de sang. Elle peut également provoquer des hémorragies[37].
Les sangsues ne transmettent pas de parasites nuisibles pour l'homme. Leur estomac peut toutefois renfermer des bactéries susceptibles d'infecter la plaie si on retire brutalement le parasite. Des allergies peuvent par ailleurs se produire[38].
Sangsues, Hirudinées, Achètes
Hirudinea, les sangsues, hirudinées ou achètes, sont une sous-classe de l'embranchement des annélides. Elle regroupe environ 650 espèces hermaphrodites de vers annelés de 1 à 20 cm de longueur. Hormis quelques espèces vivant en estuaire ou eaux marines, elles vivent en eau douce. De nombreuses espèces déposent leurs cocons dans de la terre humide et certaines ont un cycle de vie plus terrestre, en étant par exemple capables de grimper aux arbres.
Environ 300 espèces sont des parasites temporaires d'animaux marins, terrestres ou d'eau douce, hématophages, se nourrissant de sang de vertébrés et/ou d'hémolymphe d'invertébrés. Une centaine d'espèces sont marines et environ 90 terrestres.
Quelques espèces font l'objet d'un usage médicinal depuis plus de 2 000 ans, mais la diversité et répartition des sangsues est encore mal connue dans de nombreux pays, y compris pour les eaux douces. Ainsi en 2009 elles n'avaient pas encore fait l'objet « d'une étude d'ensemble sur la systématique et la répartition géographique des espèces en France et seules quelques clés dichotomiques de détermination, toutes incomplètes quant au nombre des taxons cités et ne tenant pas compte de la variabilité intraspécifique (différences de coloration, fusion de paires d'yeux, etc.), permettent d'identifier avec certitude les espèces les plus caractéristiques ». Une clé de détermination des Hirudinées françaises a été mise à jour et publiée en 2009 par la Société zoologique de France, et un inventaire national a été lancé en 2015 sous l'égide du Muséum et de l'INPN.